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Klimt, rousse vénale, femme putain//femme mère
Comme Tom, j’ai un Jésus en chocolat. Chaque soir, on se signe, on se dit des choses dans le noir. Moi aussi je veux être une rockstar, jouer de la guitare. Il m’a dit ça l’autre soir. J’ai roulé mon billet de vingt comme un joint, j’ai relevé le col de ma chemise. C’est sur les Macdonald spéciales que je mise. Les jeunes femmes, les talons hauts. J’ai dit à Jésus, moi aussi, je veux signer mon nom sur de la peau. Mais je suis revenue à une heure, j’ai pris le dernier métro.
Daphné B.
photo: Shelley Niro, The Rebel
t'es aussi moue que ta moustache
vieille tache
et à la fois,
aussi dur que ton coeur
criss,
tu m"écœures
anyway,
j'l'lâche prise
grosse bise
rosa
Il y a des chansons qui vous transporteront toujours ailleurs lorsqu’elles vous tombent dans les oreilles. Lorsque Iko Iko des Dixie Cups entame son hymne au travers de mon Macbook, aussitôt mon marteau et mon enclume touchés, rien à faire. J’ai beau disposer de deux horrifiantes heures pour terminer un travail de session à peine commencé, mon instinct primaire refait surface, j’ai envie de danser dans des hautes herbes et de scander des revendications féministes en dévorant du beef Jerky nue, avec les copines.
Pas étonnant qu’elle fasse ressortir en moi mon côté sauvage, la toune, classique du Mardi Gras de Nouvelle-Orléans, est issue d’un mix épicé de patois cajun, de dialectes amérindiens et de Créole. Enregistrée en 1965 par les Dixie Cups, Iko Iko était à la base une rengaine que grand-mère chantonnait aux sœurs Barbara, Rosa et la cousine Joan, de manière futile, probablement en ébouillantant ses écrevisses. À la fin d’une journée épuisante au Studio, le trio s’est mis à fredonner la chanson de jadis en frappant la cadence avec des baguettes sur cendriers et bouteille de Coke. Sans se douter que leur petit Jam rudimentaire était en train d’être enregistré, Iko Iko devint à la fois leur 5e et dernier hit.
Les Dixie Cups ignoraient tout sur l’origine de cette chanson magique jusqu’au jour où un certain James ‘Sugar Boy’ Crawford, entama une poursuite judiciaire, s’attribuant la paternité de cette dernière. Sugar Boy avait écrit « Jok-a-Mo », une chanson presque identique au début des années 50. Les Dixie Cups ne furent toutefois pas les seules à utiliser l’œuvre de Sugar Boy. Cyndi Lauper, Aaron Carter, The Belle Stars, Captain Jack et même notre discutable Patrick Normand scandèrent tour à tour ces étranges paroles :"I'm gonna set your flag on fire […] Iko iko an nay, Jockomo feena ah na nay, Jockomo feena nay ».
Mais quelle est la signification de ce chant guerrier si prenant ? De versions en versions, les termes se transforment et, même ce fameux ‘Sugar Boy’ ignorait le sens réel des phrases qui composaient sa chanson. Toujours est-il que celle-ci semble employer des slogans victorieux et provocateurs anciennement chantées par les Amérindiens lors d’affrontements et scandées lors des Mardis Gras pour alimenter l’esprit de compétition.
Et que sont devenues ces amazones qui m’ont tant marquée avec Chapel of love et Iko Iko? Il semblerait que Rosa soit devenue mannequin, pendant que Barbara et Joan ont embrassé la carrière de maquilleuse. Cependant, Joan abandonnera tout il y a quelques années pour devenir témoin de Jéhovah et, en 2005, Katrina bousille la Nouvelle-Orléans. Conséquemment, Les sœurs sont contraintes d’aller vieillir leurs dernières années dans la mollesse kitsch de la Floride. Qu’à cela ne tienne, quand j’entends les Afro-américaines taper sur leur canette de coke, j’ai toujours envie de me rouler dans la bouette et dans l’herbe, à croire que dans une autre vie, je m’appelais Cheyenne et que je déchiquetais du bison au lieu d’aller manger chez Mont-Royal Hot-dog.
Cybèle B.Pilon
http://www.youtube.com/watch?v=5Yrt3Pnk9qA
Tanya a des talons tellement hauts que je lui en veux de ne pas tomber. Tanya, c’est celle qui n’a jamais de vaginite. Quand elle jouit, elle crie. Quand je pleure, elle rie. Je la connais de loin, sur des photos de Punta Cana, dans un album facebook. Elle a un tattoo quelque part dans le haut du dos. Elle est barmaid, peut-être. C’est à elle que je pense quand je marche un kilomètre dans le noir. Sur les perrons, il y a des vieux avec des quilles de bière et de la musique latine. Ce n’est pas tout à fait Punta Cana. C’est Pointe St-Charles.
-Daphné B.
Des rires et des cris, l’air du printemps qui se transforme en vent d’été et je suis sur ma balançoire, tellement bien. Je vais haut, beaucoup plus que le gars à ma gauche, et je me trouve bonne, invincible. Les amis sont installés au sommet de l’immense toile d’araignée du Parc, on peut tous voir et sentir le fleuve. J’ai gagné ma course et pour célébrer ma victoire le gars de ma gauche m’offre de Nerds « veux-tu des rouges ou des bleues? ». j’ai 8 ans et je ne pense à rien. Une bourrasque me fait manger du sable, la nuit est belle, le ciel est clair. Dans les cordes entremêlées de l’araignée, mes amis se frenchent et basculent, le sang bourré d’MDMA et de bière cheap. C’est si bon, des fois, reculer de 12 ans…
cyb.
Dans ma tête, tous les jours, je joue de la guitare. Je sers du café qui goutte la pisse mais qui a quand même le prestige d’être velouté ou corsé. Débit ou crédit? Pour ici ou emporter? Je joue de la guitare. Je marche dans le noir quelque part loin de Verdun. À Londres. À Berlin. Avec une guitare et un bandeau d’indien. Chez nous. Sous les feux des projecteurs. J’ouvre ma boîte de réception, mais ce ne sont pas des courriels désirables. Ils se font désirer ceux-là. Je mange une canne de thon devant Facebook jusqu’à temps que mon Internet plante. Dans ma tête je joue de la guitare, je joue de la guitare. Je travaille demain, je ne peux plus garder les yeux ouverts. Je mange une pomme et ma guitare dans le coin de la pièce, elle rit. C’est pas demain que tu vas être une femme fatale.
-Daphné B.
Des héros? Ils sont bien pires. Ce sont de jeunes salauds.
Le gars, on ne peut jamais vraiment le regarder dans les yeux. Sa frange noire cache tout, ou bien ce sont ses lunettes fumées. Elles sont en plastique, attachées à une chaîne de métal qu’il porte autour du cou comme un collier avec un médaillon en cœur. Ce qu’il dit tout bas, près du cendrier, ce sont des explications. Il semble surpris de lui, étonné de ne plus être obligé de porter ses lunettes fumées dans les endroits publics et devant tant de gens. Un jour, il raconte qu’il s’est levé et comme ça, il n’a pas mis ses lunettes. Ça n’a rien fait. Maintenant c’est le jour partout, il porte ses lunettes en collier, juste au cas où elles deviendraient indispensables, dans un couloir, devant une fille, devant une foule. Maintenant il a le cœur brisé. Il exige une maîtresse chaque soir. De la drogue tous les jours. C’est comme ça depuis qu’elle est partie qu’il nous raconte. Je ne vais quand même pas le serrer dans mes bras. C’est le genre de gars avec une ceinture en balles de fusil. Je regarde sa frange noire et je lui dis que le temps arrange tout. La fille à côté, en robe rayée, elle me regarde avec une clope dans sa bouche de couleuvre. Elle grimace : « Oui mais il n’y a pas de temps. Avec lui ça n’existe pas. T’as vu? Il n’a pas de montre. »