lundi 31 mai 2010

L’observatoire? C’est à 5 minutes à pied


Aujourd’hui, Lili-la-Hipster a commencé son shift avec une heure de retard. Le regard gonflé derrière ses immenses lunettes, elle est allé vomir sa Pabst dans les toilettes du café. Probable qu’elle allait passer le reste de la journée assise sur des caisses de lait, gatorade à la main, à chialer dans ses jogging AA puant la vieille cigarette. J’espérais pourtant que le boss ne remarque pas trop ses abus de la veille. Dans ce petit restaurant perché en haut du Mont-Royal, une sorte de solidarité silencieuse nous unissait la plupart du temps.

Toutes des filles, on avait échouées au Café Smith sur des vagues différentes et malgré nos horizons opposés, on se retrouvait, baignant dans les périodes transitoires que représentent les études et la perte d’un emploi, à travailler ensembles dans cet espace restreint. Ce Samedi, c’est Caro-la-rough qui souffre de crampes menstruelles aussi douloureuse que son dernier avortement. Mais d’autres fois, Caro-la-rough arrive au travail en trainant lourdement ses caps de construction dans la neige. La veille, elle a répété avec un de ses 10 bands et si elle s’est fait une tendinite, c’est probablement plus en levant le coude qu’en jouant du drum. C’est donc Nath-la-diva qui détourne un moment le regard de ses livres bouddhistes pour nous parler de son frère, shooté dans un Parc de Montréal Nord et de son énorme famille richissime du Congo, mariée à un gouvernement corrompu. « Écoutes bébé, si c’est pour le sexe tu devrais juste te taper des mannequins » conseille t’elle à la douce-Zoé, déçue de son one-night stand avec un psychologue gris.

On déballe ainsi nos vies derrière le comptoir en buvant du café filtre, denrée gratuite qui donne à toutes une haleine de hyène, mais qui s’est doté du don de clarifier nos amertumes amoureuses au fil des semaines. Ainsi, Lili-la-Hipster, qui s’est marié le mois passé aux lacs des Castors avec son copain Polonais, gémit des difficultés de sa nouvelle vie conjugale, à 20 ans à peine. De son côté, Caro-la-rough a recommencé à coucher avec son ex pendant que Zoé-la-douce a fait une croix sur son Américain longiligne à la vue du lit artisanal de celui-ci, fabriqué en caisse de bois. La pensée de se réveiller dans un back-store de fruits et légumes l’avais disons Cunt-blocked.

On parle de sexe, de Xavier Caféine qu’on trouve wak, des nouvelles bottes de cuire dénichées dans un village des valeurs de l’est de la ville. Puis, à l’heure où on glisse notre dernier BLT sur la grille à panini, Bernard, un régulier, rentre au café, sa mère Blanche au bras. Hurluberlu attachant, Bernard est fou. Il s’occupe de sa mère Alzheimer, ancienne Impressario, comme la prunelle de ses yeux. Depuis longtemps déjà, les filles savent que de ce touchant duo, c’est Bernard, qui a le plus besoin de Blanche pour survivre. C’est l’heure des tisanes et les touristes français sont partis. On regarde Bernard faire avaler des pro biotiques à sa mère dans la mollesse d’une fin de journée. Soudain, en versant de l’eau chaude dans une tasse, Nath-la-diva revient à la charge comme si le chatouillement de sa boucle de nombril Versace l’avait réveillée. « Non mais tsé Zoé l’autre soir, je suis tombé sur mon amant mannequin et c’est un vrai fou! Il m’a fisté avec son point et m’a soulevée au plafond! Ni pense plus aux mannequins bébé, ni pense plus! »
Au même moment qu’une poignée de médiévaleux quitte la montagne, c’est l’heure du close . Lili-la-Hipster triture son alliance de pawn shop, l’une va rejoindre son ex pour regarder le match et d’autres vont rejoindre un Polonais ou un amant mannequin. Les déesses descendent de leur autel, vidées de leur jus. Malgré le silence, en attendant le bus, je ne peux m’empêcher de penser qu’avec elles, le café émane de la plus belle des poésies

Cyb.

3 commentaires:

  1. Très vivante poésie contemporaine! On s'y sent presque.

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  2. il ne manque que cybèle-l'imprévisible, beauté loufoque aux maintes histoires de nudité et de pénis, et dont la pensée seule suffit à me faire mourir de rire toute seule sur le boulevard saint-joseph...

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  3. Elles me manquent gros les déesses de la montagne. C pas mal plus plate sans vous :-(

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