Il y a des chansons qui vous transporteront toujours ailleurs lorsqu’elles vous tombent dans les oreilles. Lorsque Iko Iko des Dixie Cups entame son hymne au travers de mon Macbook, aussitôt mon marteau et mon enclume touchés, rien à faire. J’ai beau disposer de deux horrifiantes heures pour terminer un travail de session à peine commencé, mon instinct primaire refait surface, j’ai envie de danser dans des hautes herbes et de scander des revendications féministes en dévorant du beef Jerky nue, avec les copines.
Pas étonnant qu’elle fasse ressortir en moi mon côté sauvage, la toune, classique du Mardi Gras de Nouvelle-Orléans, est issue d’un mix épicé de patois cajun, de dialectes amérindiens et de Créole. Enregistrée en 1965 par les Dixie Cups, Iko Iko était à la base une rengaine que grand-mère chantonnait aux sœurs Barbara, Rosa et la cousine Joan, de manière futile, probablement en ébouillantant ses écrevisses. À la fin d’une journée épuisante au Studio, le trio s’est mis à fredonner la chanson de jadis en frappant la cadence avec des baguettes sur cendriers et bouteille de Coke. Sans se douter que leur petit Jam rudimentaire était en train d’être enregistré, Iko Iko devint à la fois leur 5e et dernier hit.
Les Dixie Cups ignoraient tout sur l’origine de cette chanson magique jusqu’au jour où un certain James ‘Sugar Boy’ Crawford, entama une poursuite judiciaire, s’attribuant la paternité de cette dernière. Sugar Boy avait écrit « Jok-a-Mo », une chanson presque identique au début des années 50. Les Dixie Cups ne furent toutefois pas les seules à utiliser l’œuvre de Sugar Boy. Cyndi Lauper, Aaron Carter, The Belle Stars, Captain Jack et même notre discutable Patrick Normand scandèrent tour à tour ces étranges paroles :"I'm gonna set your flag on fire […] Iko iko an nay, Jockomo feena ah na nay, Jockomo feena nay ».
Mais quelle est la signification de ce chant guerrier si prenant ? De versions en versions, les termes se transforment et, même ce fameux ‘Sugar Boy’ ignorait le sens réel des phrases qui composaient sa chanson. Toujours est-il que celle-ci semble employer des slogans victorieux et provocateurs anciennement chantées par les Amérindiens lors d’affrontements et scandées lors des Mardis Gras pour alimenter l’esprit de compétition.
Et que sont devenues ces amazones qui m’ont tant marquée avec Chapel of love et Iko Iko? Il semblerait que Rosa soit devenue mannequin, pendant que Barbara et Joan ont embrassé la carrière de maquilleuse. Cependant, Joan abandonnera tout il y a quelques années pour devenir témoin de Jéhovah et, en 2005, Katrina bousille la Nouvelle-Orléans. Conséquemment, Les sœurs sont contraintes d’aller vieillir leurs dernières années dans la mollesse kitsch de la Floride. Qu’à cela ne tienne, quand j’entends les Afro-américaines taper sur leur canette de coke, j’ai toujours envie de me rouler dans la bouette et dans l’herbe, à croire que dans une autre vie, je m’appelais Cheyenne et que je déchiquetais du bison au lieu d’aller manger chez Mont-Royal Hot-dog.
Cybèle B.Pilon
http://www.youtube.com/watch?v=5Yrt3Pnk9qA
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