jeudi 3 juin 2010

dernier vestige du club de poésie Rona


Naguère, Christina allait à la Madeleine. Elle y allait souvent : cinq fois par semaine, en moyenne. Un matin, alors qu’elle aurait dû s’adonner à quelques exercices syntaxiques soporifiques, elle contemplait avec béatitude la poussière d’amiante qui, à la manière de confettis déconfits, quittait le plafond afin d’agrémenter les houppettes environnantes. Elle songeait à sa nouvelle occupation de conseillère-vendeuse de revêtements de planchers, mais surtout à Alexander Doyle, un collègue qui œuvrait au sein du département limitrophe à celui du couvre-sol. Alexander l’avait saluée lors de son premier quart et lui avait demandé quel était son statut.

- Cowgirl, lui avait-elle répondu.

En la quittant, il lui avait même dit : « À vendredi, cowgirl.» Elle l’interpréta comme suit : il avait certainement consulté l’horaire hebdomadaire des employés afin de savoir quand il la reverrait. De coulis en parqueterie, Alexander semblait manifestement entiché d’elle autant qu’elle l’était de lui. Or, suite à leur premier baiser lingual, qui fit frémir Christina des caps d'acier aux pendentifs en or plaqué, elle réalisa qu’Alexander, parce qu’il avait les yeux de la couleur des jours heureux, ne se contentait pas que d’une employée à la fois. Elle n’était tout de même pas prête à abandonner la course : il avait réussit à raviver son cœur atone et saturnien. Après tout, un peu plus de rimmel à ses cils, un air frivole et quelques boutades bien placées devraient le convaincre, pensait-elle. Les teintes de coulis se succédèrent, les motifs de prélart et les baisers secrets aussi, mais Alexander continuait de ménager la chèvre et le chou. Puis, inopinément, il envoya son ruban à mesurer en l’air, décidant ainsi de quitter à perpétuité sa vocation de plombier et par le fait même, Christina et ses céramiques. En guise de dénouement à leur idylle et d’au revoir, il lui dit tout simplement : « Si tu as besoin d’un tuyau, appelle-moi. »

-Rimel

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